Pour les amateurs de réflexions sur le Game Design, je recommande la lecture du blog de Sean K. Reynolds sur lequel il parle de son projet de néo clone OGL/3.5 : Five Moons RPG.
L’un de ces articles en particulier m’a beaucoup intéressé : https://fivemoonsrpg.wordpress.com/2014/08/28/project-pentagon-the-leveling-sweet-spot/
Pour ceux qui connaissent mes dadas ludiques cet article n’a rien de réellement novateur : Reynolds se contente de réaffirmer avec force ce que Ryan Stoughton propose depuis des années avec E6, c’est-à-dire qu’il faut ancrer la mécanique d20 dans les niveaux intermédiaires (6-12) pour en tirer la substantifique moelle.
Néanmoins la vision de Reynolds est probablement plus aiguisée d’un point de vue que je qualifierais de commercial.
Car si l’expérience Epique 6 m’a appris quelque chose c’est que les rôlistes accordent une valeur quasi mystique au concept de « haut niveau ».
Lorsque je parle d’E6/Epique 6 sur tel ou tel forum JdR, je me retrouve très régulièrement à devoir expliquer qu’il s’agit bien d’un jeu héroïque et pas spécialement gritty.
Une explication que je fais, au moins une fois sur deux, en pure perte.
Car pour le rôliste lambda le concept de « contexte de jeu » (= de puissance relative des personnages par rapport à leur environnement) est finalement assez peu pertinent. Pour avoir animé de nombreuses parties d’E6 je peux garantir que mes joueurs se sentaient véritablement puissants en fin de parcours : ils accomplissaient des exploits hors de portée du commun des mortels et affrontaient sans faillir des créatures effroyables, bref accomplissaient leur destinée de héros épiques à D&D.
Mais du point de vue de beaucoup d’observateurs extérieurs on restait dans une version « tronquée » de l’expérience donj’.
Et c’est l’article de Reynolds qui m’a fait mettre le doigt sur la nuance qui m’échappait : dans les faits si les joueurs veulent effectivement accomplir des exploits hors de portée du commun des mortels et affronter sans faillir des créatures effroyables, ils veulent le faire au niveau 20.
Si leur destinée de héros épique à D&D ne se décline pas sur des dizaines de niveaux, ils se sentent confusément floués.
Et peu importe le contenu réel de ces niveaux, c’est le nombre qui est important.
J’ai donc fait mienne l’astuce « marketing » de Reynolds et réfléchi à la meilleure façon d’exporter le sweets spot et l’esprit E6 sur une vingtaine de niveaux que ce soit pour D&D 3.5, Chroniques oubliées ou D&D 5.
La clé de la mécanique est le concept de demi-niveau : chaque niveau réel (= correspondant aux règles de bases) est divisé en deux tranches de progression.
Dans Chroniques Oubliées, par exemple, chaque niveau réel accorde un DV supplémentaire, un bonus de +1 aux jets d’attaques et deux points de capacités.
Dans une version visant a étendre le sweet spot on progresserait comme suit : DV supplémentaire et bonus d’attaque aux niveaux impairs, points de capacités aux niveaux pairs.
Ceci posé il suffit ensuite de poser le niveau réel maximum auquel on souhaite se confronter et de calculer la méthode de progression de manière à transformer le tout en une progression sur (grosso modo) une vingtaine de paliers.
Pour D&D 3.5 on peut partir du principe que le niveau réel optimum pour finir une campagne est le niveau 12 : chaque classe obtient quelque chose de sympa (seul le Rôdeur est un petit peu défavorisé), tous les bonus de base à l’attaque / aux sauvegardes augmentent et on garde les sorts de niveau 7-8 hors du tableau (les classes de type combattant et/ou aventurier restent intéressantes).
La progression se déroule comme suit : passage au niveau 2 de manière classique (d’un seul bloc) puis utilisation des demi-niveaux. Le « niveau final » de cette progression délayée sera alors le niveau 22.
Pour les Chroniques Oubliées les choses sont quasiment identique : le niveau 12 fait un parfait point final car il permet à chaque joueur de compléter 3 voies différentes sur les 5 voies de base qui lui sont proposées. Cette « limite » permet aussi, dans une certaines mesure, de se passer des voies de prestige (peut pertinentes selon moi) puisque les personnages de haut niveau d’une même classe pourront être très différents en fonction des 3 voies de base choisies (= 6 combinaisons différentes possibles pour chaque classe).
La montée de niveau s’effectue comme en 3.5.
Pour D&D 5 il me semble que le meilleur niveau final réel est plutôt le niveau 13 : là encore toutes les classes font l’acquisition d’une option sexy (à la limite c’est le Moine qui ferait ici figure de parent pauvre, mais sans que ce soit scandaleux) et le proficiency bonus augmente d’un point. On ouvre la porte aux sorts de niveau 7 mais la magie étant beaucoup mieux cadrée dans D&D 5 que dans D&D 3, ce n’est pas gravissime.
Pour la progression on utilise la version suivante : méthode classique jusqu’au niveau 4 puis demi-niveaux. Une fois de plus on obtient un niveau 22 comme palier final.
Cette méthode peut être exportée pour à peu prés n’importe quelle itération de D&D, même si c’est probablement plus compliqué dans les systèmes old school à progressions différenciées, et permet de régler l’un des problèmes récurrents de donj’ : la lourdeur et les déséquilibres mécaniques du jeu à haut niveau.