Histoire d’Isale (5/7)

Le jour des quarante ans d’Isale fut le jour de la chute de la Baronnie des Murmures, le dernier rempart de la capitale du Vieux Royaume.


Les troupes de l’empire avaient, en l’espace de quelques semaines, progressées inexorablement à travers les champs fertiles et les bocages des Murmures, occupant le terrain avec le même professionnalisme rigoureux, la même science militaire implacable qui avait permis, des décennies plus tôt, la conquête des Terres Noires.
Soixante-trois jours durant, les Légions d’Acier avaient ensuite assiégé la petite forteresse qui était le cœur de la Baronnie, bombardant les rues de projectiles enflammés issus de leur formidables machines de guerre, affamant les défenseurs, ne leur laissant aucun répit.
Les cinq Champions étaient morts lors de l’assaut final, entourés d’une poignée de braves ils avaient défendu le donjon jusqu’à la fin et donnés leur vies pour protéger la Baronne et ses enfants, fidèle aux règles de leur caste.

La Guerre de Succession avait commencée deux ans seulement après l’ultimatum de Tristan dans la salle du Trône, le temps pour l’Empire de battre le rappel de ses citoyens soldats et de reformer les Légions d’Acier, de mettre en branle jusqu’au plus petit rouage de sa gigantesque administration militaire.

Les premiers à tomber avaient été les Jumeaux Ecarlates et leur manoir ancestral, le magnifique Vermillion, n’était désormais plus que cendres.
Ils étaient morts en chantant une antique mélopée guerrière, leur ultime charge de cavalerie brisée par la Phalange Impériale.

Malgré leur inimitié bien connue, le Faiseur de Veuves et le Chevalier de la Lune avaient combattus cote à cote comme des frères d’armes pour défendre la Porte des Ombres, qui ouvrait le chemin des Marches. Au matin de leur défaite, sa belle Armure d’Argent percée d’innombrables traits d’arbalète, le Chevalier avait réussi à tuer de ses mains le commandant de la Huitième Légion avant de s’effondrer.

Ensuite seulement avait commencé l’interminable campagne des Marches de l’Ouest durant laquelle Isale avait perdu son époux.
Le jeune Roi avait opté pour une stratégie en deux temps, l’armée régulière du Vieux Royaume devant se verrouiller dans une position défensive classique tandis que le Maître d’Arme, à la tête de la Compagnie de l’Epervier et de divers autres corps francs, avait pour tache de harceler les lignes d’approvisionnement de l’Empire.

Pendant plus de 6 ans les Légions d’Acier avaient ainsi été prises entre le marteau et l’enclume, obligées de faire face, à la fois, à un front puissant maître de son territoire et à une interminable suite d’opérations de guérilla supervisées par le meilleur soldat de son temps.
Plusieurs fois la mutinerie avait grondée dans les rangs des légionnaires affamés, plusieurs batailles avaient été perdues face au courage du Vieux Royaume et à la ruse du Maître d’Arme… Mais, lentement, irrésistiblement, la guerre avait tout de même été gagnée.

C’est ainsi qu’était mort le jeune Roi, debout dans le dernier carré de sa garde personnelle, brandissant l’étendard aux couleurs de sa Dame.
C’est ainsi qu’était mort Epervier le mercenaire, respectant à la lettre, comme il l’avait toujours fait, le contrat que le liait à Isale.
C’est ainsi qu’était mort le Maître d’Armes, l’épée au poing face à trois légionnaires dont aucun n’avait même le tiers de son age.

Quelques jours après qu’Isale ait appris la terrible nouvelle, les soldats de la Neuvième et de la Treizième Légion Impériale, les vétérans de la campagne de Marches, avaient envoyé un émissaire pour demander un armistice de deux jours a la Reine pour que chacun puisse enterrer ses morts en paix.

La dépouille du jeune Roi avait été restituée avec le respect du à son rang, son épée et son bouclier, brisés, à ses coté, l’étendard royal le couvrant comme un suaire.

Au Maître d’Armes, fut fait le plus grand des honneurs : pour la deuxième fois de l’histoire des Légions d’Acier, neuf soldats unirent leur boucliers pour soulever son vieux corps qui avait été recouvert de la Pourpre Impériale tandis que le chœur des légionnaires entonnait le Chant du Départ.
Le Grand Empire pleurait ainsi le Général du Vieux Royaume comme l’un des siens car ses enfants et ceux du monde occidental tout entier s’endormaient encore en rêvant aux aventures passées du vieil homme.

Le temps avait passé, la guerre avait repris de plus belle et maintenant, les Murmures n’étaient plus.

Assise, très droite, sur son Trône, Isale attendait l’arrivée des Légions.

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