(AS : cet article contient une foultitude de spoilers : il est donc déconseillé aux joueurs potentiels)
Les fins lettrés amateurs de donjonneries l’auront compris, sous ce titre mystérieux se cache un premier article ayant pour sujet l’intégration de la cité de Ptolus dans le monde de Golarion (et plus particulièrement dans la région de Varisie).
Ptolus c’est LA ville emblématique de la troisième édition de l’ancêtre : une cité issue de l’imagination fertile de Monte Cook (l’un des créateurs de D&D 3) et conçue spécifiquement pour être une application/illustration concrète du Donjonverse, cet univers « par défaut » de D&D, dessiné en filigrane par les règles du jeu.
Ptolus c’est donc un pavé de presque 700 pages, rempli à ras bord d’idées de scénario, de donjons divers et variés, de créatures à tuer et de puissants PNjs avec qui négocier/intriguer.
Un « petit » chef d’œuvre désormais introuvable en boutique mais aisément dénichable en PDF (légalement ou pas).
Golarion est l’univers dans lequel se déroule les Chroniques des Eclaireurs : il s’agit du background conçu par les auteurs de chez Paizo pour encadrer leurs scénarios et leurs « routes pour l’aventure » (campagnes), background qui sert désormais de monde de référence à Pathfinder RPG, le nouveau visage de D&D 3.5.
Comme pour Ptolus, il s’agit d’un décor de jeu relativement archétypal conçu pour épouser le donjonverse plutôt que pour lui imposer un quelconque twist.
La Varisie est une des régions les plus approfondies de Golarion pour la simple et bonne raison qu’elle sert de toile de fond aux trois premières campagnes publiées par Paizo (l’Eveil des Seigneurs des Runes, la Malédiction du Trône Ecarlate et le Retour des Ténèbres) pour l’édition 3.5.
Du fait, donc, qu’ils sont battis sur le même squelette (le donjonverse de la troisième édition de l’ancêtre), les deux settings sont hautement compatibles l’un avec l’autre.
Certes, il y a des points d’achoppement (Ptolus est technologiquement plus avancée que ne l’est Golarion et la présence en son sein d’une très puissante guilde des mages, la Pyramide Inversée, a eu un impact non négligeable sur son environnement) mais rien qui ne soit ingérable avec un peu d’imagination.
Voici donc quelques premières pistes de réflexion sur l’intégration de Ptolus dans la région de Varisie, l’objectif étant d’obtenir le décor de campagne le plus cohérent possible.
A : Ou exactement situer Ptolus ?
De mon point de vue, l’endroit idéal pour « installer » Ptolus est Kaer-Maga. Quand on y regarde de plus prêt, ces deux citées partagent énormément de points communs en terme d’ambiance et, donc, font un peu double emploi dans le décor.
A ce compte là, autant utiliser la plus riche des deux (en termes de ressources pour le jeu), à savoir Ptolus.
En effet, les deux cités sont anciennes (très anciennes même puisque Kaer-Maga est de construction Thassilonienne) et bâties sur un réseau de mystérieux souterrains dont l’exploration est aussi risquée que lucrative.
De la même manière les villes sont toutes les deux caractérisées par la présence d’un gigantesque « monument » issu d’une époque révolue : Ptolus est la « cité du pic », construite au pied d’une terrifiante aiguille rocheuse alors que Kaer-Maga est « l’asile de pierre » contenue toute entière dans un gigantesque anneau de granit à six cotés.
Les deux citées sont aussi profondément cosmopolites (70% seulement de la population est humaine, contre 77%, par exemple, pour une cité comme Port-Enigme, pourtant déjà très bigarrée si on la compare à Korvosa, par exemple).
A contrario, Kaer-Maga est une petite ville (8 000 habitants) alors que Ptolus est une énorme cité (75 000 habitants) : intégrer Ptolus en Varisie c’est accepter l’idée qu’elle en devienne aussitôt la capitale, reléguant Korvosa (18 000 habitants) au second rang.
Du point de vue de l’ambiance, là encore, il faudra faire quelques ajustements : Ptolus semble être une ville Loyale-Neutre alors que Kaer-Maga est, elle, une ville Chaotique-Neutre.
Toutefois, les points communs restent nombreux : Kaer-Maga, comme Ptolus, est un carrefour commercial et un repaires de gens bizarres et étranges, d’exclus que d’autres cités, moins tolérantes, n’accepteraient pas.
De même, si Ptolus est un port, Kaer-Maga donne, elle, directement sur la Yondabakari, un des plus grands fleuves de Varisie qui, via le lac Syrantula, constitue une voie navigable particulièrement fréquentée et une des routes de commerce principales entre les possessions magnimariennes et korvosiennes.
On notera, pour finir, que les deux cités, abritent en leur sein un bidonville particulièrement pittoresque, baptisé « les terriers » (the Warrens, en V.O.).
B : Ptolus face à la cosmologie et aux légendes de Golarion.
L’un des points les plus importants du setting Ptolus est l’existence des Galchutt, créatures apocalyptiques, mi archi-démons mi Grands Anciens, prisonniers et endormis dans les profondeurs sous la cité : quelque chose dort sous Ptolus (attirant les êtres maléfique comme un phare) et son réveil signifiera la fin du monde.
Au niveau de Golarion, il y a trois grandes possibilités pour recycler ce concept, certaines plus pratiques que d’autre, l’une d’elle ayant clairement ma préférence.
– Sous Ptolus dort l’un des rejetons de Rovagug, le premier et le plus puissant de tous, plus terrifiant encore que Xotani ou Kothogaz. C’est simple, c’est de bon goût mais ça reste un peu léger : aussi puissants soient-ils, les abominations issus des flancs de Rovagug ne constituent pas une menace réellement apocalyptique. Xotani ou la Tarrasque sont des créatures de FP 20, rien que ne puisse gérer une « grosse » équipe de PJs voire certains PNJs vivant dans Ptolus (la ville hébergeant une belle collection de personnages niveau 20). A la rigueur peut-on envisager qu’il s’agisse de Rovagug lui-même plutôt qu’un de ses rejetons, mais, dans ce cas on entre en contradiction avec le Background officiel de Golarion (puisque c’est Asmodée en personne qui est censé posséder l’unique clé permettant de libérer le dieu de la destruction de sa prison, située dans la Faille de Gormuz). Au conteur de voir s’il veut prendre cette liberté.
– Les auteurs de chez Paizo n’en font pas mystère, il y a de gros bouts du Mythe de Chtulu dans Golarion (Leng, les Chiens de Tindalos, le Wendigo, etc.) à ce compte là, autant en profiter ! Certains Grands Anciens peuvent tout à fait « à-jamais-dormir » sous Ptolus. James Jacob lui-même, dans un petit aparté page 49 de « la Forteresse des Géants de Pierre » explique que Nyarlathotep, Yog-Sothoth ou Azathoth ont leur place sur Golarion (contrairement à Chtulu lui-même, trop lié à notre bonne vieille terre). On peut ainsi replacer les joueurs en terrain connu et éviter d’avoir à se dépatouiller avec d’un coté, les Seigneurs Démons officiels de Golarion (déjà nombreux puisque Descent into Midnight nous en présente 29 !) et, de l’autre, les Galchutt, Dieux-Démons et Seigneurs du Chaos, encore plus anciens et maléfiques (ce qui commence a faire beaucoup, même pour les Abysses) !
– De même que Sorshen, le Seigneur des Runes de la Luxure, repose depuis des millénaires dans les profondeurs de Korvosa on peut imaginer qu’un autre Seigneur des Runes soit lié au destin de Ptolus. Et, comme vos joueurs le savent déja, l’éveil des Seigneur des Runes approche ! Il se trouve justement que, dans le background originel de Ptolus, l’approche de la Nuit de la Libération (celle qui verra le réveil des Galchutt) se manifeste par la naissance de Porteurs de Runes : des enfants surdoués et marqués d’une Rune de pouvoir. Et si, dans le cadre de Golarion, cette Rune était une Rune Thassilonienne ? Et si la réunion des différents enfants Porteurs de Runes était une des clés d’un rituel permettant de ressusciter l’un des Rois-Sorciers de l’ancienne Thassilon (chaque enfant possédant en lui une partie de l’essence de l’Archimage) ? Bien sur, un Seigneur des Runes, seul, ne constituerai pas une menace « apocalyptique » pour Ptolus/Golarion (si on se fie à la fiche de Karzoug, il ne s’agit après tout « que » d’un PNJ niveau 20 équipé d’artefacts surpuissants et dopé aux pierres ioun). Mais un souverain de cette trempe n’est jamais « seul » : des bataillons entiers de rejetons du péché et de soldats d’élite (comme, par exemple, les Guerriers de la Colère du seigneur Alanizt) dorment peut être quelque part sous Ptolus, n’attendant qu’un signal de leur seigneur et maître pour partir, une fois de plus, à la conquête du monde…
(A suivre).