Voici trois petits textes que j’ai rédigés dans le cadre du mod Dwarmor de Korfandar pour le jeu vidéo Morrowind.
Le mod est toujours en cours de création.
Ces micro-nouvelles correspondent a des livres « in game » que le personnage pourra découvrir dans cette aventure traitant de la civilisation perdue des dwemers.
L’âme de l’acier Dwemer
Dorok fit ses prières rituelles au Mentor pendant que le feu de la forge prenait de l’ampleur.
Agenouillé, concentré, il murmura les paroles traditionnelles de la Chauffe, de la Trempe et de la Pliure.
Il eut un peu de mal à se relever : l’âge « mûr » pour un Dwemer n’était plus pour lui , et depuis un certain temps déjà, qu’un lointain souvenir.
Lentement, solennellement, il passa son tablier de travail, enfila ses gants et récupéra son marteau et sa pince sur le lourd établi.
L’Armure était devant lui, tordue, brisée mais « vivante » encore, réparable pour qui savait s’y prendre.
Dorok était un des derniers forgerons Dwemer suffisamment compétent pour remettre en état une Armure de Pouvoir et c’était pour cela que le vétéran était venu le voir, la bourse remplie de pierres précieuses et de gemmes spirituelles.
Le métal ocre de l’Armure avait souffert le martyr : entre les profondes entailles qui zébraient le plastron et les terribles brûlures à l’acide disséminées un peu partout on pouvait lire le récit de la bataille comme sur un livre ouvert.
Le travail commença.
Des heures durant Dorok redressa, martela, sculpta.
Il dut puiser abondamment dans ses réserves de Sel de Givre pour restaurer l’intégrité mystique du métal, pour lui redonner cette qualité si particulière qui, imprégnée de l’énergie des âmes, lui conférait sa terrible efficacité.
Les runes familiales qui identifiaient l’Armure durent être retracées une par une, encoche par encoche.
A l’aide du métal le plus pur et de sang de Daedra il put, petit à petit, dans l’effort et la douleur, redonner force et souplesse au métal.
Au fur et à mesure de son travail il retira trois longues esquilles de métal Daedrique qui s’étaient incrustées dans les brisures de l’armure Dwemer. Il les déposa précieusement dans un petit pot sur son atelier : un maître artisan de son niveau savait parfaitement comment utiliser ce genre de matériau pour conférer une efficacité mortelle à des carreaux d’arbalète…
Dans son nid de flammes et d’acier, l’Armure de Pouvoir, renaissait dans toute sa splendeur.
Plus tard, alors qu’elle reposait et refroidissait sur un mannequin aux mesures de son propriétaire, à nouveau grande, terrible et vierge de toute marque, le vieux Dorok dîna de pain, de coutil et d’une soupe de chair de crabe avant de se coucher, seul dans son atelier redevenu silencieux..
Trois jours passèrent avant que le vétéran ne revienne pour récupérer son bien. Il fut, naturellement enchanté du travail de Dorok ce qui ne l’empêcha pas, tout aussi naturellement, de vouloir marchander le montant du deuxième règlement.
Mais Dorok ne marchandait jamais et la tentative ne fut guère couronnée de succès.
Par curiosité, le Forgeron s’enquit au passage de l’identité de l’artisan mécanicien à qui le Vétéran avait confié la Batterie de Pouvoir de l’Armure et, d’un hochement de tête bourru, approuva le choix.
Bientôt, très bientôt, l’Armure de Pouvoir pourrait à nouveau arpenter les champs de bataille pour la plus grande gloire des Dwemers et de leur science.
Les jours de métal
Ils se réveillèrent dans les ténèbres les plus absolues, comme toujours.
Ils s’habillèrent rapidement, enfilant les tuniques et les pantalons noirs traditionnels avec des gestes vifs et précis.
Quand Kartom vint les chercher ils étaient prêts : droits, fiers et élancés comme des lames.
Aucun mot n’avait été prononcé.
La journée d’entraînement pouvait commencer.
Ils firent quatre fois le tour de la caserne au pas de course avant de se rendre au bassin central pour procéder à leurs ablutions matinales.
L’eau noire du vaste bassin de pierre était froide comme la mort elle même, quelle que fut la saison.
Tout en fredonnant les chants traditionnel de leur unité ils s’aspergèrent longuement le corps à l’aide de larges sceaux de métal.
Et, ainsi, leurs épidermes fumaient tandis que l’aube se levait sur le mont écarlate.
Ils se dirigèrent ensuite vers le réfectoire, mince cohorte de jeunes guerriers Dwemers se déplaçant dans une unisson parfaite, l’allure irréprochable.
Kartom le répétait assez : au combat le rythme est tout, celui qui maîtrise le rythme maîtrise l’affrontement.
Ils étaient conscients de leur chance d’avoir pour instructeur le plus ancien et le plus respecté des enseignants de l’académie militaire.
Chaque jour ils donnaient le meilleur d’eux même pour lui faire honneur.
Tout en écoutant les récits épiques du vieux Vargam, ils prirent la copieuse collation qui devait les sustenter jusqu’au soir. Ils écoutaient et mâchaient consciencieusement, soucieux d’assimiler tout autant la nourriture que les souvenirs des hauts faits de leur ancêtres.
La Tradition était la colonne vertébrale de la caste des guerriers, nul ne devait la laisser perdre.
Ensuite seulement ils se dirigèrent vers le gymnase.
Ils s’exercèrent longuement à la lutte, à la course et aux agrées, luisants de sueur dans la lumière des torches tandis que les vétérans les jaugeaient d’un air sévère.
Puis vint l’entraînement militaire proprement dit.
Ce jour était dévolu au marteau de guerre, l’arme emblématique de leur clan.
Assis en cercle autour de Kartom, ils le regardèrent effectuer les Gammes et les Figures classiques du Jeu du Marteau, s’efforçant de toute leur âme de ne pas seulement voir mais de comprendre.
Dans le vide, laborieusement, ils l’imitèrent, chaque geste, chaque frappe répétée jusqu’au vertige.
Au signal de Kartom ils se dirigèrent vers leur casiers et s’équipèrent de leur armures : les combats allaient commencer.
Et ils s’affrontèrent.
Pendant tout le temps que durèrent les duels, Kartom, qui se tenait à l’extérieur du cercle des affrontements, leur martela de sa voix rauque les arcanes du combat :
Ne pense pas à la façon d’attaquer.
Attaque.
Ne recule pas.
Tourne.
Ne regarde pas.
Vois.
Plus tard, fourbus, meurtris, ils firent à nouveau quatre fois le tour de la caserne à petite foulée mais, cette fois-ci, ils portaient leur équipement au complet : plus de 20 kilos de métal rigide qui les gênaient et les faisaient souffrir dans chaque mouvement.
Tous finirent leur parcours.
Car si les pertes avaient été terribles les six premiers mois, plus des deux tiers des élèves avaient quitté l’Académie militaire, incapables de suivre le rythme, ceux qui étaient restés étaient désormais aussi inflexibles que l’acier le mieux trempé.
Plus durs mêmes que le métal des Armures de Pouvoir.
Ils étaient le souffle du la guerre, incarné dans la chair du peuple Dwemer.
La deuxième moitié de l’après midi était atteinte quand ils eurent leur quartier libre.
Ils se séparent alors, qui pour s’occuper de l’entretien de son équipement, qui pour aller profiter des livres de la bibliothèque.
Le soir tombé ils se retrouvèrent au réfectoire pour partager un rapide repas et quelques choppes de Sujamma. Quelques uns jouèrent de la musique pour le plus grand plaisir de leur camarades.
Tous étaient souriants et détendus, heureux d’avoir, une journée de plus, affrontés les épreuves de l’honneur et du devoir Dwemer.
Kartom lui-même souriait.
Deux heures après l’arrivée de la nuit ils rejoignirent leur dortoirs, de nouveaux silencieux et disciplinés.
Ils se déshabillèrent rapidement, pliant les tuniques et les pantalons noirs traditionnels avec des gestes vifs et précis.
Ils s’endormirent dans les ténèbres les plus absolues, comme toujours.
Le Guerrier de Fer
Dans quelques minutes maintenant, Korgell Bordom allait mourir.
Il était assis par terre, adossé au long et sinistre mur d’ossements du labyrinthe d’Hircine, son casque posé sur ses genoux et sa grande claymore Dwemer reposant à ses cotés.
En tendant l’oreille, il pouvait entendre, au loin, les grognements gutturaux et les bruits de lutte des Loups-garous entre eux, avides qu’ils étaient de s’accaparer les meilleurs morceaux du cadavre du grand mercenaire orque.
Dans la semi obscurité, Korgell souriait.
Il ne lui restait plus que deux gemmes spirituelles pleines pour alimenter son Armure de Pouvoir : assez d’énergie pour combattre une demi-heure à plein régime, guère plus.
Assez de puissance pour tuer encore une bonne demi-douzaine de ces saloperies lycanthropes avant que son champ de force ne s’étiole, avant que son armure ne se fasse plus lourde, plus encombrante, avant que son épée ne cesse de propager la fureur du Mentor…
Avant la fin.
Et Korgell souriait.
Il se souvenait des quatre autres candidats, de ses compagnons d’infortunes qui étaient aussi ses adversaires, des quatre autres Proies d’Hircine.
Il se souvenait de Laetitia, la Magelame impériale, avec ses sourires confiants malgré son piètre acier de la douzième légion : que des guerriers si mal équipés puissent avoir effectués autant de conquête ne cessait pas d’abasourdir les Dwemers.
Elle était tombée tôt dans le Labyrinthe, quand son écu avait volé en éclat sous les griffes et les crocs de la horde hurlante.
Il se souvenait d’Ilden, l’arrogant Mage de Guerre Haut-Elfe qu’il avait tué lui-même, dans un combat singulier selon les règles de l’honneur communes à leur deux races.
Un beau combat.
Et même si le Dwemer avant fini par triompher, il ne se faisait aucune illusion sur l’issue réelle de l’affrontement : vaincre Ilden l’avait obligé à puiser grandement dans ses ressources d’Energie, réduisant à néant ses propres chances d’arriver jusqu’à la fin du Labyrinthe avec une Armure de Pouvoir en état de fonctionner et, par là même, ses capacités à triompher de l’épreuve.
Match nul donc.
Une mort partout.
Et Korgell souriait.
Il se souvenait de Grisnhak, le terrifiant barbare Orque haut de sept pieds qui était finalement tombé après avoir tué plus de Garous que Korgell n’avait eu le temps d’en compter.
Son marteau de guerre brisé, le colosse avait tué son dernier adversaire à poings nus avant de tomber sous le nombre des enfants de la Lune Sanglante.
Il se souvenait de Cœur-croc le nordique, le dernier d’entre eux, celui qui allait peut être relever le défi d’Hircine et il lui souhaita bonne chance de tout son cœur.
La horde se déplaçait de nouveau : les bruits de course et les grognements se rapprochaient désormais à une vitesse élevée.
Korgell prit appui sur ses jambes et se releva péniblement : sans énergie pour alimenter la batterie de Pouvoir, l’Armure, acier inerte et froid, se révélait trop lourde pour ses forces amoindries.
Korgell verrouilla son heaume avant d’enclencher ses deux dernières gemmes spirituelles dans la batterie de Pouvoir.
Aussitôt la chaleur familière du champ de force l’entoura, aussitôt les ténèbres du grand labyrinthe se dissipèrent et il y vit comme en plein jour et il se sentit de nouveau grand, fort et invincible.
Et Korgell Bordom, sa grande épée de foudre à la main, souriait quand les meute de Garous apparut devant lui.
Il en tua beaucoup cette nuit là : les griffes et les crocs peinaient à percer les formidables défenses mystiques de l’Armure Dwemer tandis que la Claymore semait la douleur et la désolation dans les rangs de la horde maudite.
Quand enfin il mourut sous les coups de ses adversaires Korgell Bordom, lieutenant de la garde royale Dwemer et champion de son clan, souriait toujours.
Il souriait car il savait que sur un point au moins son sort personnel différerait de celui des autres victime de la Grande Chasse : nul Daedra, nul homme-bète ne se repaîtrait jamais de la chair d’un Dwemer porteur d’une Armure de Pouvoir.
La déflagration mystique qui allait suivre sa mort détruirait probablement la moitié du labyrinthe et tout ce qui resterait alors de la meute hurlante, obligeant Hircine le sanguinaire à se trouver un nouveau terrain de jeu pour l’avenir.
Loué soit le Mentor.